Le débat sur la chasse et l’écologie a toujours été assez agité. En effet, de nombreux chasseurs déclarent pratiquer une activité en faveur de l’écologie, tandis que leurs détracteurs aiment affirmer le contraire.
A l’heure de l’essor de l’écologie politique, la chasse n’a jamais autant divisé, en témoigne la préface d’Eric Dupond Moretti dans l’ouvrage de Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, Un chasseur en campagne. Dans cette préface, il qualifie tous ceux qui voient les chasseurs “comme des meurtriers” d’individus “illuminés”.
Alors qu’en est-il réellement ? Chasse et écologie sont-elles réellement ennemies ?
Tout d’abord, rappelons quelques chiffres. Il y a environ 1 141 000 chasseurs en France. C’est actuellement le troisième loisir français en nombre de licenciés derrière le foot et la pêche. La France est un des pays d’Europe qui chasse le plus d’espèces : environ 90. Chaque année, les chasseurs français tuent environ 22 millions d’animaux. Cependant, ces chiffres restent questionnables, étant donné que tous les animaux ne sont pas décomptés, les animaux blessés par exemple.
Les opposants vont même parfois jusqu’à affirmer qu’environ 40 millions d’animaux sont tués chaque année en France. Pour eux, c’est un préjudice écologique sans précédent. En effet, la chasse a un impact quantitatif sur la faune. Certaines espèces très chassées dans certains endroits s’y voient presque disparaître, modifiant leur répartition géographique. Mais même lorsque les chasseurs ne tuent pas, les animaux peuvent être épuisés, ce qui entraîne alors une baisse du succès de reproduction.
La chasse aurait non seulement un impact quantitatif mais aussi qualitatif sur la faune : selon certains experts, elle sélectionnerait au fil des années des populations d’animaux plus stressés et peu dynamiques. Par ailleurs, beaucoup déplorent la pratique du lâcher de gibier d’élevage, quelques heures avant la chasse. Si les chasseurs affirment que cette pratique aide au repeuplement, les opposants soulignent qu’une très faible part de la population atteint l’année suivante et qu’il ne s’agit que d’obtenir des “proies faciles”. Par ailleurs, certaines maladies présentes dans les élevages sont parfois transmises aux animaux sauvages, pouvant donc diminuer drastiquement leurs populations.
Cependant, la chasse a aussi une fonction de régulation du gibier et fait l’objet de lourdes réglementations afin d’assurer la sécurité de tous et le respect de l’environnement.
Dans le cadre de la réforme de la chasse de juillet 2019 pour la biodiversité, de nombreuses mesures ont été mises en place : par exemple, chaque chasseur paie 5 euros sur son permis afin de financer des actions en faveur de la biodiversité. Les chasseurs font également des acquisitions foncières qui permettent de protéger les espaces naturels qui bénéficient aux espèces. Cela passe par exemple par l’entretien de points d’eau, ou de forêts. Aujourd’hui en France, 75% des zones humides sont gérées par les chasseurs. Elles ont des fonctions clés dans l’écosystème, et disparaîtraient sans l’entretien des chasseurs.
Également, la chasse permet une régulation nécessaire à l’environnement : les ongulés (chevreuils, cerfs, sangliers etc) sont des fléaux pour les champs et la biodiversité et se reproduisent à des vitesses vertigineuses. Réguler ce genre d’espèces est nécessaire, notamment pour empêcher le développement de certaines épidémies qui auraient un impact terrible sur la faune. Il existe des schémas départementaux de gestion cynégétique. Ils définissent des plans de chasse et de gestion du nombre d’animaux que l’on peut prélever sur une population et rappellent les règles de sécurité essentielles aux chasseurs.
La chasse reste un sujet extrêmement sensible. Au-delà des justes critiques qui sont adressées à cette pratique, il est important de souligner les efforts de réglementation mis en place par les syndicats et associations de chasse en faveur de la biodiversité et de la sécurité. Et si vous voulez en savoir plus, vous pouvez écouter ce podcast de France Inter sur l’avenir de la chasse :
https://www.franceinter.fr/emissions/le-debat-de-midi/le-debat-de-midi-du-mardi-13-juillet-2021
Et la pêche alors ?
La situation est légèrement différente. Contrairement à la chasse, la pêche par les particuliers en tant que passion vise les mêmes populations de poisson que la pêche industrielle, à la différence de la viande acquise par les chasseurs qui ne peut provenir d’un élevage. Néanmoins la différence de portée écologique demeure frappante, et ce dû à la différence de méthode.
En effet la pêche industrielle, pour la majeure partie, est effectuée par des chalutiers qui exercent une influence désastreuse sur les écosystèmes. Pour être précis, il existe huit méthodes de pêche industrielle, (au filet, au chalut, à la bolinche, à la ligne, à la traîne, à la palangre, à la nasse, à la drague). Il ne s’agira pas ici de rentrer dans le détail de toutes les méthodes, mais il faut retenir qu’à peu près toutes vont entraîner du gaspillage de poissons et plusieurs vont causer des dégâts aux écosystèmes, bien qu’évidemment il existe des compagnies plus respectueuses que d’autres. Encore le 3 Février dernier, l’ONG Sea Sheperd a publié des images de milliers de poissons morts relâchés dans le Golfe de Gascogne au large de La Rochelle, véritable symbole absurde du gaspillage qui peut avoir lieu.
Prenons un cas particulier, celui de la pêche à la drague. Elle consiste à traîner à l’aide d’un bateau un système constitué d'une poche en filet ou en anneaux métalliques, dont la dimension permet de sélectionner les gros individus, tout en relâchant les plus petits, hors taille de capture. Cette poche est fixée à une armature rigide munie de lames ou de dents métalliques posées sur le fond marin qui permettent de déterrer les coquillages enfouis dans le sédiment. Elle vise principalement des espèces comme la palourde ou la coquille Saint-Jacques. Mais cette méthode a de forts inconvénients, le principal étant qu’elle détériore fortement les fonds marins et donc les habitats des espèces.

Peut-être faut-il quand même creuser dans cette direction pour tenter de trouver des solutions. Cette méthode de pêche en bouteille semble être inspirée de la chasse sous-marine, qui elle est un loisir. On se rapproche donc de la pêche en tant que passion pratiquée par des particuliers pour leur consommation personnelle. Il semblerait qu’il y ait là une piste vers une consommation plus durable : si plus de particuliers tentaient de pêcher eux-mêmes leurs poissons (en respectant les restrictions pour une préservation des stocks bien évidemment), des économies de gaspillage industriel pourraient être faites (industriellement des gaspillages sont aussi simplement effectués parfois au niveau de la taille, un poisson peut être déjà mort quand il est remonté mais ne pas être à la maille, il est donc alors remis à l’eau). Il est évident qu’il n’est pas possible pour tout le monde de pêcher et que ce n’est pas une solution absolue capable de changer la donne, mais cela resterait un très léger progrès.
En réalité, la solution la plus efficace serait justement d’être prêt à payer plus cher un produit de meilleure qualité, et d’acheter moins souvent. Retour au cas global de la pêche dans le monde, en prenant en compte toutes les espèces. Entre 1962 et 2012, la consommation de poisson est passée de 10 à 19 Kg de poissons par habitant et par an. Or l’OMS recommande de consommer deux portions de poisson par semaine, ce qui revient pour des portions de 120 grammes à 12 kg par habitant et par an. Il y a donc une surconsommation de poisson par les populations. Il semble donc nécessaire et réalisable de commencer une transition consistant à consommer moins de poissons, en étant prêt à payer peut-être un peu plus cher pour que son poisson soit issu de méthodes plus respectueuses de l’environnement.
Finalement, il serait trop réducteur d’opposer la chasse et la pêche avec l’écologie. L’impact écologique positif ou négatif sera bien plus lié aux pratiques individuelles de ces hobbys qu’au fait de les pratiquer ou non. Comme pour de nombreux thèmes liés à l’écologie, il s’agit surtout d’éducation aux variantes plus écologiques de ces pratiques.